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BossaNovaBrasil | 21 novembre 2024

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2 Commentaires

Heureux comme un violoniste au Brésil !

Heureux comme un violoniste au Brésil !


En novembre dernier, je vous parlais d’un violoniste français de talent installé au Brésil depuis 10 ans : Nicolas Krassik. Vous pensez bien que je me suis mis en demeure de le rencontrer lors de mon dernier séjour à Rio ! Sans langue de bois, il nous raconte sa trajectoire musicale, ses motivations pour venir… et pour rester. Interview dans son quartier de Catete.

BossaNovaBrasil : Nicolas, quand on écoute tes albums et qu’on regarde avec qui tu joues, on a l’impression que tu es à Rio depuis bien plus que 10 ans. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Nicolas Krassik : C’est une longue histoire. Après des études classiques de violon, vers 17 ans j’ai décidé que je voulais jouer du rock. Pour apprendre à improviser je suis entré au SIM à Paris… et du coup j’ai découvert le jazz ! Standards, jazz manouche, jazz actuel… tout était bon. J’y ai fait des rencontres très importantes, comme avec Pierrick Hardy, un guitariste breton amoureux de la musique brésilienne, qui m’a communiqué le virus. Et je me suis mis à la capoeira – quatre ans avec Marcos China et 1 an avec Mestre Aranha.

BNB : A quand remonte ton premier séjour au Brésil ?

NK : Au bout d’un moment, je me suis rendu compte que je cassais les pieds de tout le monde avec mon Brésil que je ne connaissais que par les disques. J’y suis allé la première fois pendant le Carnaval, en vacances. Je suis rentré un peu frustré : le carnaval ça n’est pas le quotidien, et pas forcément le moment le plus intéressant musicalement. Aussitôt rentré à Paris, j’ai décidé d’y repartir pour étudier, faire des recherches. Cinq mois plus tard j’étais à Rio. J’y suis toujours (rires).

BNB : Raconte-nous tes débuts à Rio

NK : C’est mon ami parisien Marcio Faraco qui m’a présenté les premiers musiciens brésiliens lors d’un dîner d’anniversaire. Beth Carvalho est arrivée entre deux et trois heures du matin, et on a joué jusqu’à sept. J’ai rencontré alors Mestre Zé Paulo, grand cavaquinhiste décédé depuis, qui jouait avec Zé Carlos Bigorne, un super saxophoniste et flûtiste.

BNB : Comment t’étais-tu préparé ?

NK : Je connaissais Wave et quelques bossas, Tico Tico, mais ça n’allait pas loin… En revanche, un an plus tôt, j’avais participé à un festival de jazz à Baden Baden en Allemagne. J’étais là-bas avec Vincent Courtois, Michel Godart, Mira Bassi, et chacun devait préparer des arrangements sur des musiques de Pixinguinha. C’est là que j’ai ouvert mes premières partitions de choro. Quand je suis rentré de mon séjour brésilien initial, j’ai étudié le choro avec une mandoline. En confidence, je pensais devenir mandoliniste, mais quand j’ai vu le niveau ici, je suis vite retourné au violon (rires).

BNB : Tu avais un projet professionnel en arrivant à Rio ?

NK : Non. Quand je suis venu c’était pour me familiariser avec les styles. Mais les dernières années en France, j’étais un peu perdu musicalement. Il y a beaucoup de violonistes de jazz en France, et des très bons, avec des styles très marqués. Il y avait déjà Jean-Luc Ponty, Dominique Pifarelly, Didier Lockwood, sans oublier l’ombre portée du grand Stéphane Grappelli, et moi je ne trouvais pas ma place. J’aimais beaucoup ce que je faisais, le quatuor à cordes qui accompagnait Petrucciani, mais je ne trouvais pas mon chemin personnel par rapport au violon.

La musique brésilienne m’attirait, sans savoir comment l’introduire dans un projet. Quand j’ai rencontré le choro, j’ai découvert la possibilité d’improviser. Le choro est plutôt basé sur des variations sur un thème que sur des impros à base harmonique comme le jazz, mais il a tout le potentiel pour développer une musique plus libérée, plus personnelle. C’est ce que j’ai fait.

BNB : Et ta découverte de Lapa ?

NK : Quand je suis arrivé en 2001, Lapa commençait sa résurrection. J’y suis allé avec mon violon, et je me suis retrouvé au Semente. On m’a présenté, j’ai tapé le bœuf avec les autres, j’ai joué mes trois choros, et j’ai rencontré tout le monde. Yamandu Costa est arrivé à 3 du, on a improvisé une heure ensemble, et on est devenus copains. Comme ça !

BNB : Le choro, c’est des centaines de standards, avec une forme bien cadrée. Comment tu t’y est pris professionnellement ?

NK : En effet, en choro c’est comme en jazz, on ne peut pas se contenter d’un blues en ré et de Stella by Starlight ! Alors j’ai appris mes standards en travaillant beaucoup – je n’allais pas à la plage, voilà tout. Et chaque semaine je retournais au Semente, avec mon violon et deux ou trois standards en plus…

BNB : Après tes deux premiers disques, plutôt samba et choro, tu as abordé les musiques du Nordeste avec ton groupe Cordestinos. Peux-tu nous expliquer ton cheminement ?

NK : Mon goût pour la musique du Nordeste remonte à mon premier voyage au Brésil. A l’aéroport j’avais acheté le disque de Gilberto Gil qui venait de sortir : « Eu, tu, eles », dans lequel il n’interprète que des musiques du Nordeste. Je l’ai écouté pratiquement tous les jours en me préparant pour repartir.

Mon premier album (Na Lapa) était un disque de rencontre, sur lequel j’ai invité tous les musiciens avec qui je jouais le soir. Il y avait surtout des sambas et des choros, c’est vrai, mais aussi les premiers baiões. On retrouve cette collection de styles dans le deuxième album, Caçuá, mais cette fois avec un vrai groupe et des arrangements à nous. Le dernier morceau, un medley « Bem Temperado – Arrumadinho – Flor de Ingazeira », annonce ce que j’allais faire après.

BNB : C’est à dire ?

NK : En vacances à Olinda, j’avais rencontré Luis Paixão chez Marc Régnier (producteur français très impliqué dans la musique brésilienne, label Outro Brasil NDLR). C’est un tout petit bonhomme édenté, ancien coupeur de canne venu du fond de la cambrousse… et qui joue de la rabeca comme un dieu. La rebeca, c’est une sorte de petit violon rustique, avec un son différent, acidulé, formidable. On a joué ensemble plusieurs jours de suite. Finalement, j’ai loué un studio et on a enregistré trois ou quatre de ses musiques. De retour à Rio, j’ai mixé notre prise de son, et j’en ai fait le titre qui ferme l’album.

Le choro, c’est presque une musique classique, il faut respecter la forme – même si moi je le respecte moins que les autres. Le forro est plus naturel : il se passe ce qui se passe, et on peut improviser une heure sur deux accords ! Quelque part entre le ragga, les musiques celtes, les musiques orientales, la polka, la valse… le forro est un style plus facile à comprendre pour les européens. Le forro m’a parlé, il m’a plu. Je suis toujours fasciné.

BNB : Parle nous de tes projets

NK : Mon dernier disque est sorti fin 2009, entièrement consacré à João Bosco. Maintenant j’aimerais bien en enregistrer un nouveau avec Cordestinos, Je veux y inviter des guitaristes à double culture rock et Brésil. Avec de la disto, mais aussi des programmations électro légères. Il n’y a plus qu’à trouver la maison de disques !

Je joue avec Gilberto Gil depuis deux ans dans un projet de forro. On a déjà fait deux grosses tournées, à l’ancienne, en bus, en vivant ensemble au quotidien. C’est un type vraiment merveilleux, gentil, attentionné. Et aussi un vrai musicien, pas seulement un chanteur : il aime répéter, faire les balances, participer aux arrangements…

Gil vient de m’inviter à un nouveau projet, la suite de sa tournée précédente « String Concert » avec son fils et Jaques Morelenbaum, cette fois-ci avec un violon et des percus en plus. On est en pleines répétitions. Il y a même un projet de concert avec orchestre symphonique et enregistrement d’un DVD au Teatro Municipal de Rio. En novembre nous allons aux USA en tournée, et j’aurai l’honneur de faire un concert au Carnegie Hall avec Cordestinos…

*

Regardez Nicolas Krassik au Circo Voador quelques jours après cette interview, en compagnie de Cordestinos et de Casuarina, dans un classique du Nordeste : Feira de Santana.

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Commentaires

  1. noajo7

    quelle vie merveilleuse ! et quel talent …

  2. Yves Lunn

    Fabuleux …c’est très original, il y a peu à ma connaissance de violon dans les groupes de choroes. En violoniste brésilien, compositeur et danseur, j’apprécie aussi le génial Antonio Nobrega…très nordeste !

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