Dizzy Gillespie, roi du sambabop
Nombreux sont les jazzmen qui ont tâté de la bossa nova au cours de leur carrière, rares ont été ceux qui furent réellement inspirés par la musique brésilienne. Le trompettiste Dizzie Gillespie était de ceux-là, comme le démontre cette fois un album de 1974 resté longtemps inédit : Dizzy Gillespie no Brasil com Trio Mocotó.
Enregistré en huit heures d’affilée au studio El Dorado de São Paulo, ce disque réunit le roi du be-bop au Trio Mocotó, alors composé de Nereu Gargalo (pandeiro), Fritz Escovão (cuíca) et João Parahyba (percus). Un deuxième trio, américain celui-là, avait fait le voyage avec Dizzy : le batteur Mickey Roker, le guitariste Al Gafa et le contrebassiste Earl May. L’album présente six morceaux en 40 minutes assez géniales de fusion de la samba et du be-bop. Oui, comme dans la chanson « Chiclete com Banana » !
Parmi les morceaux, deux blues sur une étonnante battue samba : the Truth, et Evil Gal Blues, où Mary Stallings partage le micro chant avec Dizzy. Une longue improvisation qui sonne comme une démonstration des différentes manières d’accommoder le jazz à la sauce samba, à moins que ça ne soit l’inverse : « Dizzy’s Shot (Brazilian Improvisation) ». Et aussi ce formidable et dansant « Rocking With Mocotó », au tempo accéléré et à la trompette inspirée, que je vous recommande d’écouter tout de suite.
Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.
Ce n’était pas la première incursion de Dizzy Gillespie au Brésil, loin de là. Sa première visite remontait à 1956, où il parlait déjà de sa fascination pour Dorival Caymmi. En 61, en 63, il revenait écouter João Gilberto. En 67 il enregistrait Mas que Nada, Samba de Verão (Summer Samba) de Marcos Valle et créait Winter Samba. En 71, il participait à des batucadas à Rio.
Il semblerait qu’en 74 il soit venu pour un objectif ambitieux : se faire accompagner par toute la batterie de l’école de samba Mocidade Alegre de Padre Miguel. Le projet tourna court, et se transforma en cette plus modeste session « fusion » avec le Trio Mocoto.
Comment et pourquoi cet album exceptionnel a t-il disparu ? Mystère. L’histoire dit que, sitôt l’enregistrement terminé, Dizzy Gillespie est parti avec le master sous le bras. Ensuite, plus rien. Ce n’est que trente-cinq ans plus tard que son ancien producteur et ami le suisse Jacques Muyal les retrouve et les mixe à Los Angeles, pour notre plus grand plaisir.
Dizzy Gillespie no Brasil com Trio Mocotó, chez Biscoito Fino, octobre 2010.
Vous aimez ? Parlez-en à vos amis !
-
Le résultat ne lui a pas plu ? Ou sa maison de disques a jugé que ça n’était pas assez commercial ? Ou bien s’est-il embrouillé avec le Trio Mocotto ? Pourtant le disque est à la hauteur de son génie.
Commentaires