Ernesto Pires, l’alchimiste de la samba
C’est au Bip Bip qu’Ernesto Pires m’a donné rendez-vous. Bien que ne l’ayant encore jamais rencontré, je ne peux pas manquer son chapeau de paille et son large sourire. Histoire de nous entendre parler, nous émigrons trente mètres plus loin, dans un botequim un peu plus calme.
BossaNovaBrasil : Ernesto, peux-tu nous résumer ton parcours musical ?
Ernesto Pires : « Ma carrière a été assez sinueuse. Je suis né à Rio de Janeiro, mais quand Brasilia est devenue la capitale fédérale, toute ma famille a du émigrer là-bas. J’ai suivi des études scientifiques, et en même temps je donnais mon premier concert à 18 ans. Par la suite, j’ai fait en permanence des aller-retours entre la musique et mon métier d’ingénieur chimiste.
J’ai longtemps travaillé la nuit, en chantant avec une guitare. Quand j’ai décidé de me dédier à la samba, je me suis mis au cavaquinho. A 53 ans, j’ai passé 17 ans à vivre de la musique. Aujourd’hui j’ai trouvé un équilibre durable, en devenant professeur de technologie : l’enseignant nourrit l’artiste (rires). »
BNB : Parle nous de ton nouveau disque, Mestiço
Ernesto Pires : « Mestiço est produit par João de Aquino qui a aussi écrit les arrangements. Pour ce qui est des musiciens, j’étais bien entouré : João à la guitare, Carlinhos 7 cordas, Marcio Almeida au cavaquinho, Marcos Esguleba, Mestre Trambique, Marco Antonio Esgulebinha et Cesinha aux percussions, Eduardo Neves à la flûte et au sax… en fait, ceux qui enregistrent 90 pour cent des disques produits au Brésil ! Pour les chœurs, on retrouve mes amies Luiza Dionizio, Claudia Cruz et mes copains des rodas de samba : Lysia Leal, Claudia Cruz, Daniel Scisinio, Didu Nogeira, Makley Matos…
Le fil rouge du disque, c’est le métissage, qui est notre réalité sociale et musicale. La jaquette du disque (très réussie, NDLR) y fait directement référence : le riz blanc dans la main noire, le haricot noir dans la main blanche. Ce métissage se retrouve dans la Foi des brésiliens, et la dernière chanson de l’album parle de ces dieux africains qui ont rencontré les religions indiennes au moment du grand Quilombo de Palmares. »
BNB : Comment as-tu composé les nombreuses chansons originales de ton disque ?
Ernesto Pires : « Je fais 5 kilomètres de promenade par jour. Je me chante des mélodies, et les paroles me viennent en même temps. Autrefois j’utilisais un mini K7 – il y a d’ailleurs pas mal d’auteurs qui continuent à l’utiliser ! Mais pour composer, je n’utilise pas d’instrument de musique. Je considère qu’un instrument me conduirait sur des chemins déjà vus, à cause des « plans » qu’il entraine sans qu’on y prenne garde. »
BNB : Où en est la samba au Brésil aujourd’hui ?
Ernesto Pires : « Quand la classe moyenne a redécouvert la samba, voici une dizaine d’années, le seul marché ouvert était celui de la nuit. A la télévision on n’entendait pas de vraie samba, sauf les sambas enredos au moment du Carnaval. Le reste, c’était de la pagode plus ou moins commerciale.
Maintenant, la samba est la musique que l’on peut entendre absolument partout au Brésil, de l’Oyapoque au Chui, comme on dit. Mais Rio de Janeiro demeure le tambour, la caisse de résonnance de la musique brésilienne en général et de la samba en particulier ».
BNB : Quelle est ta relation avec le Bip-Bip ?
Ernesto Pires : « Je suis né à 300 mètres d’ici, et aujourd’hui j’habite encore plus près. A Rio, tout le monde a son botequim et sa plage, et mon bistro c’est le Bip Bip. C’est un bar résistant, il s’y est développé une culture politique et populaire qui ne se dément pas, bâtie sur l’humanisme et la solidarité. L’endroit idéal pour boire des coups et jouer de la samba avec des gens sympas, à deux pas de chez moi ! »
Un sourire, un chapeau qui le suit jusqu’à sa carte de visite. Une bonne poignée de mains. Je suis heureux d’avoir rencontré Ernesto Pires, un authentique amoureux de la samba.
Ecoutez le morceau qui ouvre son dernier disque : Bate Tambor…
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… et retrouvez Mestiço d’Ernesto Pires en intégralité sur sa page MySpace.
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Merci pour ce site vraiment très riche.
Il a une bonne bouille Ernesto. Je suis allé écouter tout son disque sur la plage myspace, rudement bien, et en effet très métissé. Une belle découverte !
Commentaires