En plein cœur de la forêt amazonienne se dresse un monument architectural qui témoigne d’une époque de faste et d’opulence : le Théâtre Amazonas de Manaus. Ce joyau culturel, que nous avons eu la chance de visiter lors de notre exploration de l’Amazonie brésilienne, constitue l’un des plus beaux exemples du patrimoine culturel brésilien. Érigé pendant la période faste du caoutchouc, ce théâtre impressionnant continue d’émerveiller les visiteurs du monde entier par sa splendeur et son histoire fascinante.
Histoire et construction d’un monument d’exception
L’idée de construire un théâtre majestueux en pleine Amazonie a germé en 1881 dans l’esprit d’Antonio José Fernandes Junior, un membre influent de la chambre des députés de l’époque. Son ambition était claire : faire de Manaus un centre culturel d’importance au Brésil. Nous avons été frappés par l’audace de ce projet, comparable à certaines folies architecturales que nous avions pu observer dans d’autres régions isolées du globe.
Vous avez découvert l’histoire fascinante du Théâtre Amazonas. Ce monument exceptionnel continue d’émerveiller les visiteurs du monde entier par sa splendeur unique en Amazonie.
Toutefois, le chemin vers la réalisation de ce rêve architectural fut semé d’embûches. Le projet connut de nombreux retards en raison de problèmes budgétaires et de désaccords sur les plans. Ce n’est qu’en 1884 que le plan définitif, signé par l’architecte italien Celestial Sacardim, fut approuvé. Son design s’inspire largement de l’architecture Renaissance, un style que nous avions pu admirer dans nos voyages à travers l’Europe, notamment en Italie.
La construction du théâtre, entamée en 1884, fut achevée après 17 années de travail acharné. Malgré plusieurs interruptions entre 1885 et 1892, le monument fut finalement inauguré le 31 décembre 1896. La première représentation officielle eut lieu quelques jours plus tard, le 7 janvier 1897, avec l’opéra La Gioconda d’Amilcare Ponchielli. Nous pouvions presque imaginer l’effervescence qui régnait ce soir-là, alors que l’élite locale découvrait ce temple dédié aux arts.
Ce qui rend ce théâtre particulièrement remarquable, c’est l’origine internationale des matériaux utilisés pour sa construction. Durant nos voyages à travers plus d’une centaine de pays, nous avons rarement observé un tel assemblage cosmopolite :
- Des tuiles vernissées provenant d’Alsace
- Du mobilier et des tissus importés directement de Paris
- Du marbre italien pour les escaliers, les statues et les colonnes
- De l’acier anglais pour renforcer les structures murales
- Du verre de Murano pour les lustres les plus prestigieux
Architecture et décoration somptueuses

Dès que vous pénétrez dans le Théâtre Amazonas, vous êtes immédiatement saisi par la richesse de sa décoration intérieure. Nous avons été particulièrement impressionnés par les 198 lustres qui illuminent l’édifice, dont 32 sont fabriqués en verre de Murano, matériau que nous avions déjà admiré lors de nos escapades vénitiennes. Ces pièces d’exception confèrent au lieu une atmosphère féerique, rappelant les grands opéras européens.
Le dôme du théâtre constitue l’un de ses éléments les plus emblématiques. Recouvert de 36 000 tuiles vernissées aux couleurs du drapeau brésilien, il est visible de loin et domine le paysage urbain de Manaus. Cette prouesse technique nous a rappelé certains édifices que nous avions pu observer dans des capitales asiatiques, où l’art de la céramique atteignait également des sommets.
Élément décoratif | Origine | Artiste/Fabricant |
---|---|---|
Rideaux de scène | Paris, France | Crispim do Amaral |
Panneaux peints des plafonds | Italie | Domenico de Angelis |
Lustres en verre | Murano, Italie | Artisans vénitiens |
Tuiles du dôme | Alsace, France | Manufactures alsaciennes |
Les rideaux du théâtre méritent une mention spéciale. Créés à Paris par l’artiste Crispim do Amaral, ils représentent la rencontre des eaux entre le rio Negro et le rio Solimões, phénomène naturel spectaculaire que nous avions pu contempler lors de notre croisière sur l’Amazone. Cette attention aux détails locaux, intégrée dans un cadre d’inspiration européenne, crée un dialogue intriguant entre les cultures.
Les plafonds de l’auditorium et de la salle d’audience sont ornés de magnifiques panneaux peints par Domenico de Angelis. En levant les yeux vers ces œuvres, nous avons ressenti la même émotion que dans certaines chapelles italiennes, où l’art pictural sublime l’architecture.
Renaissance culturelle et rayonnement actuel
Après son inauguration, le Théâtre Amazonas a connu des périodes contrastées. Il a fait l’objet de quatre restaurations majeures en 1929, 1974, 1988 et 1990. Malgré ces interventions, l’édifice est tombé dans l’oubli pendant près de 90 ans, n’accueillant plus de représentations régulières. Lors de notre premier voyage au Brésil, il y a une vingtaine d’années, nous avions entendu parler de ce « théâtre fantôme » perdu en Amazonie.
La renaissance du théâtre date de 2001, sous l’impulsion du gouverneur Amazonino Mendes. Celui-ci avait la vision ambitieuse de doter Manaus d’un orchestre, d’un chœur et d’un corps de ballet dignes de ce cadre exceptionnel. Le défi était de taille dans une région où la culture classique n’était pas profondément ancrée, mais le pari fut relevé avec brio.

Aujourd’hui, l’orchestre philharmonique du théâtre rassemble des musiciens de nombreuses nationalités, notamment de Bulgarie, de Russie et de Biélorussie. Cette diversité culturelle rappelle celle que nous avions pu observer dans certains ensembles orchestraux en Europe de l’Est, où les frontières musicales s’effacent au profit de l’excellence artistique.
Chaque année, le théâtre accueille également un festival cinématographique qui attire des réalisateurs et des cinéphiles du monde entier. Le bâtiment a d’ailleurs lui-même joué un rôle cinématographique, apparaissant dans le film Fitzcarraldo de Werner Herzog en 1982. Ce long-métrage, que nous avions découvert bien avant notre visite à Manaus, raconte justement l’histoire d’un homme obsédé par l’idée de construire un opéra en pleine jungle, miroir passionnant de la réalité du Théâtre Amazonas.
Visiter ce joyau architectural, c’est plonger dans une période où l’or blanc du caoutchouc permettait tous les rêves, même les plus fous. C’est aussi comprendre comment un monument culturel peut traverser les époques et continuer à rayonner, malgré les vicissitudes de l’histoire.